
Interview : Les clés juridiques de la création d’un ERP
Rencontre entre Eliel Arnold (Agence Arnold) et Maître David Semhoun (NS Avocats)
Créer un établissement recevant du public (ERP) qu’il s’agisse d’un commerce, d’un cabinet médical, d’une salle de sport ou d’un restaurant implique bien plus que du design ou de l’aménagement. En amont, se joue une véritable réflexion juridique, souvent méconnue mais cruciale. C’est précisément ce qu’a souhaité explorer Eliel Arnold, architecte d’intérieur et directeur de l’Agence Arnold, en échangeant avec Maître David Semhoun, avocat spécialisé en baux commerciaux et cofondateur du cabinet Nahmias Semhoun Avocats.
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Avant même de signer un bail, il est essentiel de s'assurer que l’activité prévue dans les locaux est conforme à la destination d’urbanisme du bien, au règlement de copropriété, et aux règles d’usage en vigueur. Une vérification minutieuse de la compatibilité du projet avec le PLU (Plan Local d’Urbanisme) et une prise de contact avec la mairie peuvent s’imposer. Si un changement de destination est nécessaire, des autorisations spécifiques devront être demandées, comme le dépôt de cerfas ou l’obtention d’un permis de construire avec autorisation ERP.
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Pour un ERP, le bail commercial classique aussi appelé « 3-6-9 » reste la norme. Ce bail offre des garanties fortes au locataire, notamment un droit au renouvellement et une protection contre l’éviction. Même pour des activités non commerciales, les parties peuvent choisir ce type de bail volontairement. Il peut ainsi s'appliquer à des professions libérales ou des activités éducatives.
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Contrairement au bail d’habitation qui s’adresse aux logements et impose une résidence principale, le bail commercial s’applique à des locaux destinés à une activité économique. Il est encadré par des règles spécifiques, et permet notamment de protéger l’activité du locataire en cas de résiliation ou de non-renouvellement.
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Le bailleur a l’obligation de délivrer des locaux compatibles avec l’usage prévu. Cela signifie que les locaux doivent permettre légalement et matériellement de recevoir du public. Si ce n’est pas le cas, la responsabilité du bailleur peut être engagée, comme le montrent plusieurs décisions de justice où des baux ont été annulés ou résiliés car les locaux étaient incompatibles avec l’activité prévue. Il est donc essentiel de vérifier l’ensemble des contraintes réglementaires avant signature.
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Avant toute prise d’engagement, les deux parties doivent s'assurer que les locaux ne sont pas soumis à des restrictions d’urbanisme interdisant l’activité projetée. Le bail ne doit pas contenir de clause interdisant l’accueil du public, et les caractéristiques du bien doivent permettre la mise en conformité ERP. En cas de doute, une clause de condition suspensive peut sécuriser la situation : le bail ne prendra effet que si les autorisations administratives sont obtenues.
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Certaines clauses peuvent limiter ou empêcher l’ouverture d’un ERP. Par exemple, interdire la réception du public dans les locaux ou ne pas mentionner explicitement que les locaux sont adaptés à l’activité projetée. Il est aussi crucial de prévoir les cas dans lesquels les autorisations ne seraient pas délivrées, afin d’éviter des litiges ou la remise en cause du bail.
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Cela peut être envisageable à certaines conditions. Lorsque les autorisations ne posent pas de difficultés majeures ou que l’activité est déjà exercée dans les lieux, le bail peut être signé en amont, à condition d’être assorti d’une condition suspensive. Cette précaution permet de se prémunir contre un refus administratif et de sécuriser juridiquement l’opération.
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Les travaux réalisés par le locataire dans le cadre d’un bail ERP deviennent souvent la propriété du bailleur à la fin du contrat. Cela peut impacter le montant du loyer lors du renouvellement. Parfois, le bailleur peut exiger une remise en état des lieux. Ces aspects doivent être discutés dès le départ, surtout en cas de travaux lourds. Il est également essentiel de prévoir les cas particuliers (comme l'installation de coffres-forts par exemple) pour éviter des frais inattendus au départ du locataire.
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Depuis 2019, le décret tertiaire impose aux bâtiments à usage tertiaire de plus de 1 000 m² de réduire leur consommation énergétique. Cela concerne aussi les ERP. Les baux doivent désormais prévoir la répartition des obligations entre bailleur et locataire, notamment en ce qui concerne la déclaration des consommations sur la plateforme OPERAT. Les travaux de performance énergétique doivent être bien identifiés, tout comme leur impact sur le loyer. Ces travaux ne doivent pas automatiquement entraîner un déplafonnement du loyer à la fin du bail.
Conclusion : un bail ERP ne s’improvise pas
Entre conformité réglementaire, obligations contractuelles, autorisations administratives, travaux et performance énergétique, les enjeux juridiques autour d’un bail commercial pour un ERP sont nombreux. Mieux vaut anticiper ces problématiques et s’entourer d’un avocat spécialisé pour éviter les mauvaises surprises. L’expertise de NS Avocats et l’accompagnement global de l’Agence Arnold permettent d’aborder ces projets dans une vision cohérente, alliant sécurité juridique et qualité architecturale.